FEMME Touarègue et un Aperçu historique sur Tin Hinane

                              

La nature n’a pas épargné les Touaregs et encore moins 

La FEMME touarègue : C'est elle qui en souffre le plus et qui en supporte les conséquences dramatiques.

Plusieurs articles vont lui être consacrés, une façon de rendre hommage à son courage et à sa volonté de survivre




Les bouleversements spontanés (tels que sécheresses, invasions de criquets, inondations, assèchement des puits) et les conséquences qu'ils ont entraînés, ont eu un effet dévastateur sur leurs parcours traditionnels et leur mode de vie, compromettant leur avenir. 

Ces migrations de chaos sont des migrations de la faim et de la misère

Un clin d’œil à l'histoire ou à la légende

  Une reine atlante vénérée par les Touaregs.

                              TIN HINANE 

     figure de femme que les Touaregs nomment 
                          « Notre mère à tous ».

L'apogée de l'histoire des TOUAREGS a été faite par des reines telles KAHINNA et TIN HINANE princesses AMAZIGH qui se sont imposées plusieurs siècles avant l'Islam, des rives méditerranéennes aux confins sud du Sahara.  

Avec elles, le matriarcat qui leur donne droit à tout le pouvoir et à toute prise de décision s'est imposé à la société touarègue. 
 
Le résultat de cette prépondérance matriarcale et de cet engagement subtilement féminin, a consacré définitivement le droit du fils de la sœur de l'AMENOKAL à prendre la relève du pouvoir aristocratique. 

Comme cela on est sûr de préserver l'héritage génétique matriciel. 
C'est de la lignée maternelle que se transmettent les pouvoirs aristocratiques……
La place importante qu’occupait la femme dans la société touarègue témoigne des tendances matriarcales bien connues de la berbérité et qu'ici, une islamisation somme toute superficielle n'a pu gommer. Musulmans de rite malékite, les Touaregs sont peu sensibles aux charmes fondamentalistes et l’islam reste très modéré.


Tin-Hinane est l’amenokal (possesseur du pays), la reine de ce petit peuple en voie de création. Est-elle, comme le raconte une légende, à l’origine d’une ancienne écriture touarègue, le tifinagh, que l’on a trouvée ici et là gravée sur des pierres ? Ces signes, composés de bâtons (des jambes d’animaux ?) et d’idéogrammes ronds (visages, soleil, astres ?) servirent-ils de repères pour marquer les routes du désert ? Le mystère n’est pas élucidé.
Si l’on en juge par les découvertes faites au début du XXe siècle, les nouveaux arrivants auraient trouvé à Abelassa un fortin témoignant d’une occupation militaire romaine avec un certain nombre de pièces ayant servi de chambres et de magasins.
 


KAHINNA
En 1925, à Abalessa, ancienne capitale du Hoggar, des archéologues ont découvert une sépulture où se trouvait un squelette de femme bien conservé, ainsi qu’un mobilier funéraire, des bijoux en or et en argent et des pièces de monnaie à l’effigie de l’empereur romain Constantin. Ils définirent cette tombe, datée du IVe ou du Ve siècle, comme étant celle de Tin-Hinane, l’ancêtre des Touaregs. 

La découverte a fait rêver bien des chercheurs et des écrivains. 

Tin Hinane serait la mère fondatrice du peuple touareg. Il s’agit d’une femme de légende que l’on connait aujourd’hui à travers la tradition orale touarègue qui la décrit comme « une femme irrésistiblement belle, grande, au visage sans défaut, au teint clair, aux yeux immenses et ardents, au nez fin, l’ensemble évoquant à la fois la beauté et l’autorité ». Son nom veut dire en tamashek, « la maîtresse des tentes ».
Originaire de la tribu des berabers du Maroc, elle serait venue dans le Hoggar en compagnie de sa servante Takamat. Tandis que les descendants de Tin Hinane seraient aujourd’hui les tribus touarègues nobles, ceux de Takamat formeraient les tribus vassales.


En 1918, Pierre Benoît, dans son roman L’Atlantide, raconte l’histoire d’Antinéa. Il s’agit en fait de Tin Hinane dont il a modifié le nom.


 


Dans le poème qui suit, description est donnée de l’écriture des TOUAREGS, le tifinagh. 





"tu écris ce que tu vois et ce que tu écoutes avec de toutes petites lettres serrées, serrées, serrées comme des fourmis, et qui vont de ton cœur à ta droite d’honneur.
 Les arabes, eux ont des lettres qui se couchent, se mettent à genoux et se dressent toutes droites, pareilles à des lances : c’est une écriture qui s’enroule et se déplie comme le mirage, qui est savante comme le temps et fière comme le combat. Et leur écriture part de leur droite d’honneur pour arriver à leur gauche, parce que tout finit là : au cœur.
Notre écriture à nous, au Hoggar, est une écriture de nomades parce qu’elle est toute en bâtons qui sont les jambes de tous les troupeaux : jambes d’hommes, jambes de méhara, de zébus, de gazelles : tout ce qui parcourt le désert. Et puis les croix disent que tu vas à droite ou à gauche, et les points – tu vois, il y a beaucoup de points – ce sont les étoiles pour nous conduire la nuit, parce que nous les Sahariens, on ne connaît que la route qui a pour guides, tour à tour, le soleil et puis les étoiles. Et nous partons de notre cœur et nous tournons autour de lui en cercles de plus en plus grands, pour enlacer les autres cœurs dans un cercle de vie, comme l’horizon autour de ton troupeau et de toi-même.ʺ

                                         Poème tiré de “La Femme Bleue” de Maguy Vautier.

Un autre article intéressant sur Tin Hinane que vous trouverez à cette adresse : http://kahinaphotos.canalblog.com/archives/p20-10.html


TÉMOIGNAGES NOUVEAUX SUR TINE HINANE, ANCÊTRE LÉGENDAIRE DES TOUAREG AHAGGAR
par Marceau GAST

Le mausolée de Tin Hinane, fouillé en 1925 par une mission franco-américaine puis à nouveau, en 1933, par Maurice Reygasse, n'a pas fini de poser des énigmes (1).
Les informations que l'on peut recueillir désormais sur Tin Hinane auprès des Touareg sont des plus contradictoires. On se trouve en présence d'une légende qui peut se transformer ou peut-être disparaître dans les traditions orales des Imoûhar et de leurs voisins.
Le 20 octobre 1970, je questionne Bey ag Akhamouk qui sera probablement le dernier Aménoûkal de FAhaggar. Il me dit que pour lui, le tombeau de Tine Hinane n'est pas celui du sommet de la colline où fut trouvée la chambre funéraire. C'était, me dit-il, une tombe située au pied de cette colline et qui possédait une dalle sur laquelle était écrit en tifinar : iheyawen in auray in — din n eg eyaf in, ce qui signifie : "mes petits enfants, mon or est sur ma tête".
Le Kel Rela, Kouna ag Azengei, avait repéré, selon Bey, une tombe au pied de la colline portant cette inscription en tifinar, sur une dalle de pierre. Il avait creusé le sol dans l'espoir d'y trouver un trésor. Il découvrit alors le crâne du squelette enseveli, en fut épouvanté et s'enfuit sans rechercher davantage, après avoir sommairement recouvert le crâne.
Selon Bey ag Akhamouk, Marly ag Amayas, Baleyel ben Mohammed et Adébarra ag . . . le tertre de Tine Hinane était avant les fouilles de Prorok et Reygasse un volume informe de matériaux (pierres et terre) au milieu duquel on ne distinguait ni murs, ni ordonnance particulière. Les gens des environs devaient cependant attribuer à cet ensemble un certain pouvoir religieux ou magique, car ils venaient y planter des bannières et des piquets de bois au sommet, comme cela se faisait sur les tombes des saints

(cf. Aggag Alemine, Guy Barrère, Le Saharien,51, 1968, pp. 29-34), mais aucun culte particulier ni pèlerinage n'est signalé ; chacun venait à titre individuel.
(1)    Cf. M. Reygasse,
(2)    Fouilles de monuments funéraires du type chouchet, accolés au
tombeau de Tin-Hinan i Abalessa (Hoggar). Bull de la Soc de Géogr. et d'Archéol d'Oran,1940, pp. 148-166.
Idem : Monuments funéraires préhistoriques de l'Afrique du Nord, A.M.G. Paris 1 950, 1 30 p. 396 M. GAST

D'après les témoins cités ci-dessus, lors des premières fouilles, personne ne connaissait l'existence de la chambre funéraire de Tine Hinane, ni le plan de l'ensemble. C'est en dégageant les pierres qu'on découvrit des murs et des salles qui furent évacuées et leurs décombres jetés au pied du tertre. La chambre funéraire fut facile à découvrir lorsque l'ensemble fut dégagé, car elle présentait d'énormes dalles lisses qu'il a suffi de soulever pour découvrir le squelette sur ses trésors. A ce moment, les archéologues avertis de la découverte (on alla chercher M. Reygasse à quelques heures de là), écartèrent tous les ouvriers et sortirent eux-mêmes le squelette et les bijoux (2).
Dans son article de 1965 G. Camps (3) démontrait que cette construction ne pouvait être un fortin ou une kasba, mais s'apparentait plutôt à l'architecture berbère protohistorique que l'on retrouve au Tafilalet, en Mauritanie et dans les mausolées d'Algérie.
Recherchant en mai 1969 des documents sur les origines des Mrab tines de l'Ahaggar, je rencontrais à In Salah des détenteurs de manuscrits anciens, lesquels citaient Tine Hinane. Après avoir enregistré les principaux textes lus par El Hadj Ahmed, je pus aussi les photographier. Néanmoins, les manuscrits qui me furent présentés étaient pour la plupart des copies récentes de textes originaux et anciens, précieusement conservés à l'abri de tout contact étranger (4). Nous livrons donc l'un de ces documents, sous toute réserve, considérant que ces témoignages ne sauraient prendre quelque valeur que confrontés avec d'autres sources.
"Au nom de Dieu, clément et miséricordieux
"Que ceux qui font partie de la communauté des Musulmans et prendront connaissance [de ce document] sachent :
Sache Monseigneur que le Sayyid al Hadj Muhammad al Salih et le Sayyid Mubarak al-'Anbari en l'an 981 vinrent à Al-Majrat avant quiconque en l'an 891[barré dans le texte] alors qu'ils se rendaient à la mekke vénérée. Ils vinrent ici et y passèrent une durée de 4 jours. Ils se rendirent à Tit et retournèrent vers l'ouest, à Marrakech ; et en 1020 Tihninan fille du sayyid Malek vint [ici caractères tifinar qui signifient : ] Tine Hinane ben Sid Malek et de Nema oulet Sidi Malek (! ).

En 1030 vint le Hadj Abu-1-qasim fils du chef de la caravane [du pèlerinage] accompagné de Salih son esclave qui tomba malade en ce lieu. Le sayh le laissa
(2) Le seul témoin vivant des premières fouilles serait, si l'on en croit les habitants d'Abalessa et les gens du campement de Bey, Senoussi ag Méchéouèche habitant actuellement à Iglène, village près d'Abalessa. Je n'ai pu me rendre à Iglène pour questionner Senoussi. Cette
enquête devrait être faite rapidement si l'on veut recueillir encore quelques informations complémentaires car Senoussi est maintenant très âgé.
(3) Cf. G. Camps, Le tombeau de Tin Hinan à Abalessa. Trav. de l'Institut de Recherches sahariennes, t. XXIV, 1965, pp. 65-83, IV pL h. t.
(4) Un esprit occidental a de la peine à imaginer la valeur intrinsèque et sacrée que l'on attribue au texte écrit dans l'Islam, et qui plus est, dans des régions où l'analphabétisme fut quasi total durant une époque assez longue. Il faut donc arriver à gagner longuement la confiance des interlocuteurs et leur estime pour se permettre de toucher et de voir ce qui fait l'honneur d'une famille et qui polarise sa force morale.

TINE HINANE, ANCETRE LEGENDAIRE DES TOUAREG 397

chez le Sayyid al Hadj Muhammed al Salin. Il creusa pour lui une source à al-Majrat ; c'est l'esclave Salih qui creusa la source et on l'appela 'Ayn Salin [la source de Salih] (5)". •
La suite du texte assez incohérente, et qui" doit être confrontée avec deux ou trois autres feuillets pour être comprise, ne nous intéresse pas ici (6).. i\ fit dtr'Aoulgveer(n5 t) eitcT ir ula'ndeexu pctrsieeocsnsoi nodqnue de ef onnioso utrsà e aMgvrloalnet ist Cuddlaeeu.mdaen dAéue deubneer t prde'A,m iixè-reen -fPorios veà ncMem. eQ uCeh écreisf a pOerusgoonunaegs
(6) L. Voinot, dans son livre Le Tidikelt (L. Fouque, Oran 1909) p. 48, rapporte plusieurs traditions sur la création d'In Salah. Il semble que les traditions arabes la disputent aux traditions berbères. Dans l'une de ces dernières on parle de Kella, fille de Tine Hinane, (dont l'existence remonte au XVIIIe siècle). Nous remarquons cependant que dans ces traditions l'on reconnaît la présence des Touareg Kel Ahamellen sur ces territoires. Cependant Voinot place la création de cette oasis au XIIIe siècle après avoir remarqué que ni Ibn Batoutah, ni Ibn Khaldoun, ni Léon l'Africain ne citent In Salah. 398 M. GAST\

La date de la création d'In Salah à partir du puits creusé par Salah pourrait-être plausible ; 1030 de l'Hégire, c'est 1621 de l'ère chrétienne. Quant à la date du passage de Tine Hinane à In Salah, elle apparaît comme singulièrement aberrante : 1020 de l'Hégire, c'est 1611 de l'ère chrétienne. Or, une datation au C14 (encore inédite) obtenue à l'Institut d'Etudes Nucléaires d'Alger en 1967, à fourni sur un échantillon de bois du lit de Tine Hinane : 1480 ± 130 B. P., soit 470 après J.C. Par ailleurs, nous remarquons qu'Ibn Khaldoun dans l'Histoire des Berbères rapportant l'opinion des généalogistes Arabes et Berbères, dit que les Hooura (c'est-à-dire les Ahaggar) sont appelés "enfants de Tiski". Cette dernière est surnommée Tiski la boiteuse (7). La Tiski d'Ibn Khaldoun est donc au moins antérieure au 14e siècle.
D'après les mensurations auxquelles s'est livrée Mme M. C. Chamla sur le squelette de Tine Hinane, on constate que cette dernière souffrait d'une lombarthrose qui devait l'obliger à boiter : "... épaules larges ; pied petit ; stature très élevée (172 à 1 75 cm). Pathologie : lésions manifestes de lombarthrose localisée à droite et accompagnées de déformations au niveau des vertèbres lombaires et du sacrum" (8). Mais en outre, après avoir dit : "Nous insistons sur le fait que si les objets découverts dans la tombe n'étaient pas spécifiquement féminins, notamment les bijoux et les bracelets d'or et d'argent, nous aurions opté pour le sexe masculin d'après les caractères du crâne et du squelette" (p. 114) (9), 

M.C. Chamla écrit à propos du bassin : ". . . . outre l'étroitesse relative extérieure de ce bassin dont la hauteur est assez élevée, le rapport des dimensions intérieures sagittale et transverse du détroit supérieur qui dépasse 96, le classe parmi les types de bassins étroits ; on peut noter également la faible ouverture relative de l'angle sous-pubien (environ 80°) dont la valeur, quoique légèrement supérieure à la moyenne masculine, est bien inférieure aux valeurs féminines, la forme triangulaire du pubis ainsi qu'une notable dissymétrie de l'ensemble du bassin : l'aile iliaque droite est située plus bas et en retrait par rapport à la gauche ainsi que la surface d'insertion avec le sacrum, lui-même nettement dissymétrique. On peut donc estimer d'après ces observations que le squelette attribué à la "reine" Tin Hinan possédait un bassin peu féminin et que celle-ci était probablement nullipare (10), en raison peut-être de l'infirmité dont elle était affligée" (ibid., p. 175).
(7) Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale, trad, par le Baron de Slane, Geuthner Paris 192S, 1. 1, p. 273. (8) M.C. Chamla, Les populations anciennes du Sahara et des régions limitrophes,

Mémoires du C.R.A.P.E. IX, Alger 1968, p. 1 14.

(9) Certains Mrabtines de l'Ahaggar ont prétendu que Tine Hinane était un homme. Mais nous n'avions jamais pris au sérieux ces témoignages. Cependant, le Dr. L.C. Briggs, en se basant sur la formule acétabulaire de Washburn, à l'examen général du bassin, a conclu que le squelette, tout en portant les marques d'une musculature très développée, est pourtant celui
d'une femme sans aucun doute. (Communication personnelle).
(10) Souligné par nous.

TIN HINANE, ANCÊTRE LÉGENDAIRE DES TOUAREG 399


"J'imagine que cette grande femme au menton en galoche et à l'aspect masculin, infirme par surcroît, devait être assez impressionnante" (in litt.18/8/72).
Ainsi, cette reine légendaire dont les nobles de l'Ahaggar prétendent des cendre, était hommasse, boiteuse et se trouve suspectée de n'avoir pas eu d'enfants !
Si l'on regroupe les problèmes qui se posent, ou se sont posés à propos de Tine Hinane et de son tombeau, nous pouvons les résumer ainsi :

1 — Origine géographique et ethnique de. Tine Hinane
2 — Son âge, sa place dans l'histoire
3 — Filiation architecturale de son mausolée
4 — Généalogie et descendance de Tine Hinane

Si l'on admet que cette "reine" vient, comme tous les témoignages l'ont affirmé, du Tafilalet en passant par le Tidikelt ; que sa mort remonte aux environs du Ve siècle ; que le mausolée dans lequel on a trouvé son squelette était bien un tombeau spécifiquement berbère, comme ceux du Tafilalet, de Mauritanie et d'Algérie du Nord, il reste cependant un hiatus énorme dans les informations généalogiques la concernant.

En effet, Kela, que les traditions s'accordent à reconnaître comme petite -fille de Tine Hinane, épouse vers la fin du XVIIIe siècle Sidi, fils de Mohammed el Kheir fils de Salah, 3e Aménoûkal de l'Ahaggar (11). C'est à partir de Kela que les Kel Rela (ou Kel Ghela) tribu noble de l'Ahaggar, font prévaloir la filiation maternelle dans l'héritage du droit au commandement. Cette filiation ne se réclame pas de Kela, après laquelle l'histoire orale garde à peu près tous les chaînons généalogiques, mais de Tine Hinane. 

Or, si Tine Hinane vivait au Ve siècle et Kela au XVIIIe siècle, 13 siècles les séparent ?

Comment les Kel Ahaggar, les Hoouara, ces "enfants de Tiski", ont-ils perdu aujourd'hui jusqu'au nom de Tiski (pourtant spécifiquement touareg) pour ne garder que celui poétique, mais indéfini, de "Celle des Tentes" (Tin Hinane), sous-entendu probablement "celle de notre famille" 

Par quel miracle cette Tin Hinane qui semble n'avoir jamais eu d'enfant, exalte-t-elle, treize siècles plus tard, un groupe ethnique, dynamique et ambitieux, qui s'empare du pouvoir en se réclamant de sa descendance ?

Pourquoi enfin les trois premiers chefs touareg, qui ne semblent pas issus du même lignage que les Kel Rela, se succèdent-ils de père en fils et qu'à partir des descendants de Kela, qui se réclament de Tine Hinane, la filiation matrilinéaire prévaut tout d'un coup dans l'héritage du droit au commandement ?

Si le mobilier du tombeau de Tine Hinane peut nous permettre encore un contrôle ou deux dans les datations, on ne saura toujours pas ce qui s'est passé (11) Cf. M. Benhazera, Six mois chez les Touareg du Ahaggar, A. Jourdan Alger 1908, p. 105 et sq. Cf. M. Gast, Histoire du commandement chez les Kel Ahaggar, ix*me Congrès International des Sciences Anthropologiques et Ethnologiques, Chicago (U.S.A.) 28 Août —8 Septemble 1973.400 M. GAST entre le temps où elle vivait et l'époque où l'histoire des Kel Rela nous est révélée par les traditions orales.

Pourquoi ces manuscrits arabes parlent-ils de Tin Hinane comme d'un personnage historique important, qui n'a pourtant fait que passer dans le Tidikelt,et qu'à son sujet le scripteur ait adopté les caractères tifinar ?

Toutes ces questions ne trouveront certainement pas facilement leurs réponses, mais nous avons cru utile de les poser. Car il s'avère intéressant de relier les études archéologiques à celles des documents historiques (qui peuvent encore subsister), aux recherches ethnologiques et linguistiques que cet ensemble peut entraîner. 

Dans les études d'anthropologie sociale sur les Touareg, on se heurte au cas particulier de la filiation matrilinéaire dans l'attribution du commandement.
Cette filiation remonte à Tine Hinane d'après les Touareg de l'Ahaggar. 
Or on ne lui trouve pas d'équivalent au Maroc ni dans les groupements berbères du Maghreb du Nord. 

Seuls les Touareg sahariens et ceux de la zone tropicale (Niger-Mali), les empires du Ghana au XIe siècle et du Melli au XIVe siècle (et qui n'étaient pasTouareg) ont gardé le souvenir d'une pareille tradition.

Tine Hinane a peut-être été un personnage éphémère et plutôt malheureux (elle souffrait semble-t-il beaucoup et serait morte vers 40-45 ans), mais elle a polarisé le souvenir et l'affectivité de tout un peuple durant des siècles. 

En ce sens elle a véritablement joué le rôle d'une grande reine et l'origine de son ascendance n'est pas près d'être éclaircie.

Marceau GAST  (Laboratoire d'Anthropologie et de Préhistoire des Pays de la Méditerranée Occidentale-Université de Provence-Aix-en-Provence)






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