FENETRE OUVERTE Sur Une Autre ..............

Manière de vivre.
J'ai été très affligée cette année par l’état de misère des populations. 
Une pauvreté extrême au-delà de l’imaginable.  
Chaque famille espère de jour en jour, ʺun petit mieuxʺ. Cet espoir se lit sur les visages et, malgré cette vulnérabilité la bonne humeur fait partie du quotidien.
Les personnes les plus démunies (une trentaine) ont reçu la modeste somme
de 15,24 €.
Petite douceur à la Pauvreté

 

C’est avec une grande fierté que les femmes se sont dirigées vers la boutique pour quelques bonbons à offrir aux enfants. Le reste est précieusement enfoui dans un coin de l’aleishu (foulard) pour des jours plus difficiles. 

Avec 15 € la femme peut déjà acheter 50 Kg de Mil
15,24 € = 100 FF = 10 000 FCFA

J’ai pu installer, faire la démonstration du four solaire et donner de précieux conseils en ce qui concerne son utilisation.
Un exploit dans cette zone où le bois est une denrée précieuse et rare. Les femmes avec leur marmite ont voulu participer à la cuisine. 
Rires et applaudissements accompagnaient leur satisfaction


Avant les prochaines pluies, nous avons fait un nettoyage de Printemps. 
 

Les arbres arrachés par les dernières tempêtes ont permis de faire des réserves de bois de chauffe et les grandes branches ou troncs permettront de renouveler les bois de toiture, rongés par les termites. Le nettoyage du khori nous a permis aussi de déloger les scorpions qui sont de taille impressionnante et particulièrement venimeux. Nombre d’enfants décèdent en quelques heures, suite aux piqûres. Pour remédier à ces accidents entre autres, et anéantir les serpents nous avons introduit des chats. 

 ʺLe bal des petits rats de dunesʺ prend fin. 
Le pillage dans les sacs de céréales est terminé au grand désarroi de ces rongeurs.


L’élagage à permis aussi d’aérer le feuillage. La réponse de mère Nature ne s’est pas fait attendre. Le feuillage a vite repris son espace. Chaque matin j’étais émerveillée par ce spectacle naturel où les tons de miel arrivaient à leur apothéose à midi en couleur de feu pour s’étaler en soirée en couleur de braise

L’assainissement s’est poursuivit durant une quinzaine de jours. Le résultat fut étonnant. 
Une explosion de fleurs, de feuillage pour notre plus grand plaisir.




Plaisir des yeux devant ce spectacle



Au Niger, des solutions contre la malnutrition existent
Frappé par la sécheresse, le Sahel se prépare à vivre une nouvelle crise alimentaire.
Au Niger, près d’un enfant sur deux souffre de malnutrition.
À travers des programmes innovants, certaines ONG s’investissent pour des actions pérennes.


Faire produire les zones irriguées

Le nouveau gouvernement nigérien affirme vouloir s’affranchir des aléas de la pluviométrie. C’est le sens de l’initiative dite « 3 N » : « Les Nigériens nourrissent les Nigériens. » Al.Diallo « Il faut améliorer les capacités de résilience des populations les plus faibles »,  résume ce fils d’éleveur.
Il parle d’augmenter les zones irriguées, de forer des puits pour le cheptel, de doubler la production de céréales, de créer des stocks, de lancer des cultures maraîchères entre deux saisons des pluies.
Les microprojets ne manquent pas dans l’agriculture, un secteur qui occupe 80 % de la population active. Ces programmes changent réellement le quotidien des communautés.


Certains jardins font figure d’exemple : un jardin potager qui pousse dans un environnement semi-désertique est un enjeu.


 On se lance encore dans les défis.
•    En décembre 2011,  une des animatrice a fait mettre en place dans le khori un récupérateur d’eau de pluie. 


Bonne initiative pour permettre aux animaux de s’abreuver - gain de temps d’une part.
Et d’autre part, il a permis d’entretenir un petit jardin pendant 3 mois, avant de s’assécher. La petite production, [de salades, de tomates] qui aurait apporté un plus alimentaire, a été dévalisée par les singes au grand désespoir des femmes.

•    Un muret  a été placé près du puits, pour palier aux dégradations provoquées par les eaux de pluie. 



Il est à consolider.

De nos jours, pas de véhicules circulent dans cet espace, et c’est un événement quand des oreilles attentives perçoivent le bruit d’un moteur. 



Les bergères, les femmes, les enfants commencent à courir dans tous les sens, s’engouffrent dans les cases pour changer de vêtements, être belles pour le visiteur.
En traversant les différents petits campements peu éloignés de mon coin de nulle part, les têtes se tournent, les yeux cherchent, essaient de reconnaître un visage. 
Mais ils savent que ce véhicule me transporte vers les miens. Puis un homme barre le passage et fait signe pour faire stopper le véhicule à l’ombre d’un acacia. Un cri de joie.
Puis une agitation de chaque côté de la voiture. Femmes et enfants suivis d’hommes nonchalants et silencieux s’avancent. Pas de démonstration de joie. Joie de se retrouver. 

Les yeux trahissent ce que la règle interdit, les embrassades.
 

Les salutations se prolongent. Les mains se touchent longuement, glissent pour revenir s’unir. C’est  ainsi que les Touaregs se saluent. Se toucher le bout des doigts, les faire claquer en retirant la main et revenir se toucher les doigts. Ce rituel peut durer. Il marque le temps de l’absence. J’ai eu à le faire une soixantaine de fois, un jour de longue séparation. 
On fait durer le plaisir de se retrouver, de se toucher, de se regarder pour faire passer toute cette tendresse (mon interprétation, car il est difficile de percevoir des signes ou sentiments)

Les enfants s’impatientent, avides de recevoir un petit signe, les femmes transpirent sous la chaleur, tapent des mains pour rythmer la musique du tendé en lançant des youyous, les hommes discutent pour connaître l’état de la piste, les éventuelles rencontres signalant quelques individus indésirables. 

D’autres arrivent revêtus d’habits de réception, indigo, blanc, broderies, bijoux.
Le chef, le marabout et les autres autorités essaient de se frayer un passage, ils ne veulent pas être en reste des salutations. Les femmes les bousculent, tant la joie est grande. Suis-je le centre des retrouvailles ? 

J’observe cette excitation. Je suis là au milieu de cette joie collective à serrer des mains, des bras. Certains me touchent furtivement le dos, les cheveux pour avoir la baraka comme ils disent ʺ la chance ʺ quelle émotion de revoir tous ces visages, tous ces gens dont je n’arrive pas à mettre un nom tant la foule est compacte. Ils sont heureux que je revienne au pays, parmi eux. 

Je ne les ai pas abandonnés. Malgré toutes les misères du pays, les incertitudes du gouvernement, je suis de retour. Je ne leur ai pas menti. 


Le marabout, un ami, bouscule, lève la voix pour se frayer le passage et se trouve face à moi. Seuls ses yeux apparaissent de son grand turban indigo, rehaussé d’un autre de couleur blanche. Il m’apparaît avec son habit de grande fête. Revient-il d’un baptême ou d’un mariage ?
Je lui tends la main, qu’il couvre de sa main gauche en la serrant plusieurs fois avec grande délicatesse et la pose sur son cœur. Ses yeux me fixent, trahissent une grande émotion vu l’humidité anormale autour du khôl qui maquille ses yeux, et m’invite à garer la voiture et me reposer chez lui avant d’être happer par la foule qui n’est pas d’accord. Tout le monde me veut pour lui.

Nous discutons du voyage, de la France, d’Agadez, de Niamey. Tout est en désordre. Il a tant à me dire que tout se bouscule dans son esprit.
Les autres autorités nous suivent en silence pour ne pas perdre un seul mot de la conversation. Les grands acacias se balancent légèrement, ou est-ce un effet de mon trouble ? Que d’émotions pour tout le monde.
Franchir le seuil de la maison, être accueillie par la famille, la communauté, faire partie du clan, tous ces actes sont des gestes de bonheur. 
J’apprécie la fraîcheur et le silence de la maison. Les femmes se pressent doucement pour installer matelas, couvertures, oreillers. Le thé est servi avec des galettes de blé accompagnées d’une sauce piquante dont je raffole. 

- Que c’est bon de se retrouver chez les amis, je pourrais même dire chez moi tant les liens sont forts avec tous. 
- Quel bonheur de tous les revoir, détendus, souriants, tout simplement parce que je suis enfin près d’eux. Ils sont toujours inquiets à l’idée que je ne revienne pas. 

Ce n’est pas dans l’ordre des  choses.

Mon cœur se serre, mes yeux s’humidifient à la pensée qu’en arrivant en France, personne n’est là pour m’attendre, pour m’offrir un verre d’eau. J’ai vécu la plus douloureuse des solitudes durant des jours……
Doucement une certaine somnolence m’envahit, je retrouve un peu de calme, de sérénité et dans cette pénombre avec ces chuchotements j’ai l’impression d’entrer dans un rêve.
Le repas arrive et les conversations reprennent.
On me pose mille questions auxquelles je ne peux répondre à toutes, tout le monde parle en même temps. Nous nous retrouvons en cercle autour du feu. Nous mangeons avec grand appétit. Après avoir fait honneur à mon écuelle pleine de pâte de maïs et d’une sauce à base de plantes, de viande et de piment, on me ressert une portion. il faut que je reparte avec le souvenir d’avoir bien dégusté. 
Le temps s’écoule lentement, doucement.
La vaisselle lavée, rangée, surveillance faite aux animaux, assis près du feu, nous savourons notre thé, nectar du désert.
 Le brasero (petit récipient sur pied contenant du charbon de bois porté à incandescence) est amené pour le thé, avec verres et deux théières. On rend grâce à Dieu avant tout préparatif. Ensuite on rince le thé et commence alors ʺle ballet à deux mains et deux théières. Mon ami qui prépare le thé  semble trouver un réel plaisir à le faire chanter en le laissant glisser haut et fort, de la théière au verre et verre à la théière. Ce va et vient de cette cascade blonde, fumante dans les verres à toujours attirer le regard. C’est la danse du thé brûlant.

Exceptionnel encore de nos jours, il sort de son sac en cuir ouvragé, un pain de sucre qu’il casse avec un petit maillet en cuivre dont les éclats étincelles sous les braises.
Le rituel du thé se produit trois fois avec la même dextérité et souplesse dans le mouvement. Les femmes attendent aussi le thé, et privilège pour les enfants, le troisième verre leur est réservé.
Ensuite il fait la vaisselle avec peu d’eau et d’une seule main en faisant rouler le verre autour des doigts. 
On ne remercie pas, le thé est un cadeau, mais on remercie Dieu pour ces bons moments.
Je regarde le ciel pour m’apercevoir que le soleil va faire place à la nuit. Des milliers de petites lumières frémissantes font signe à l’homme qu’il est temps de prier. 
Dans ce moment de contemplation, une lamentation s’élève.
L’homme tend ses mains vers le ciel en implorant la grâce, une demande épurée.



 

Le silence est admirable et il en découle une communion parfaite entre chaque personne qui me fait dire que leur prière est adaptée à leur mode de vie, à la solitude de ces grands espaces désertiques.
Que leur culture et leur système d’éducation sont le lien social entre tous. Ce n’est pas une prière austère, les mots sont simples.
L’homme se relève, quelques grains de sable fixés sur le front. C’est l’empreinte de la prière.
Que puis-je demander de plus, je me sens en accord avec cette terre et les gens ?

 

               Au dessus de l’horizon la pleine lune escalade les échelons du Temps, 

une grande clarté inonde le désert et la brousse d’une couleur de miel, l’enveloppant d’un voile pour les protéger du froid.
Le silence m’enveloppe et un état de somnolence envahit mon corps………..
La nuit est belle pour moi ce soir, elle m’offre ce qu’elle a de plus beau pour me souhaiter la bienvenue.
Ma belle, cette solitude que tu m’offres me redonne confiance, force et sérénité.
Je réalise que j’ai dormi très longtemps et qu’enfin aujourd’hui je suis arrivée chez moi. Des moments comme ceux là je ne peux les oublier. J’ai ressenti un bonheur immense, indescriptible, une émotion oubliée et qu’elle subsiste parmi les miens. A ce moment là tout me parait simple pour essayer d’atteindre mon équilibre intérieur.


ʺCet équilibre, objectif si délicat qui ne peut se trouver avec certitude.Toute la vie se passe à le chercher.

                                    Hier Princes du Désert, Aujourd’hui Jardiniers

Ils étaient de tous temps les seigneurs de ces terres et récoltaient le fruit du labeur de leurs esclaves. Cultiver la terre, était un travail offensant, sans noblesse pour les Touaregs.
La désorganisation de ces relations, l’extension progressive de ces jardins autour des villages, la construction de structures administratives ont poussé les hommes bleus à se sédentariser. 




                           Face à ces montagnes inhospitalières des Monts Bagzanes, 



                           le jardin des femmes avec plantées alentours  des tentes.
 


Plus loin de couleurs vives, des espaces bien délimités. Des jardins avec profusion de fruits et de légumes. L’envers du désert. Par ci par là, des maisons en construction et des tentes.
Le développement peut faire vivre certains jardiniers qui se sont adaptés aux nouvelles techniques de plantations et qui ont pu obtenir des finances d’ONG, par contre d’autres continuent de connaître la misère. Il nous faut développer le marché avec de nouveaux produits, diversifier les cultures pour que ces populations ne restent pas à contempler une terre inculte. Développer le commerce des marchandises entre villes et villages.

Mort lente de l’élevage et du nomadisme !

•    Comment aider ces nomades à cultiver un jardin et garder leurs animaux ? 
•    Comment leur faire comprendre que le pâturage se borne à quelques brins d’herbe ?  Que ces troupeaux ne trouvent plus rien à manger ?
•    Pourquoi persister à garder des troupeaux squelettiques ? 

Les enfants et jeunes filles emmènent les animaux dans la journée, ils font des kilomètres pour trouver un pâturage qui satisfait les bêtes. Lors du départ c’est la joie, l’enthousiasme ils vont pouvoir se rouler, jouer, crier et danser. Ces espaces dénudés sont des terrains de jeux, un domaine où l’imagination s’épanouit entre roches et arbres pour créer un monde extraordinaire.




             Le soir la mère regarde avec satisfaction les bêtes qui s’avancent dans le khori. 


D’un coup d’œil elle a comptabilisé le troupeau avec cette pointe d’orgueil qui caractérise le bonheur de posséder ces bêtes. Elle se penche au-dessus de certaines bêtes, tâte le ventre des femelles porteuses. Elle fait un signe à sa fille pour tirer le lait.
Quelle fierté de posséder ce troupeau fournisseur de lait quotidien qui permettra de fabriquer des fromages, de la viande pour les prochaines fêtes, de la peau pour confectionner de l’artisanat typique des touaregs.
Le troupeau est le compte en banque de ces nomades.
La culture des Touaregs, jusque là préservée annonce un déclin, qu’il faut absolument défendre.
L’intérêt croissant des jardins, des oasis fait que l’espace terre cultivable s’amenuise au détriment du pâturage.
La relation entre l’homme et l’animal est maintenue avec ces espaces désertiques.
L’homme regarde longuement le bétail. Son esprit s’évade dans le temps avec les souvenirs de la vie d’autrefois.
Quant à sa liberté, il n’a plus de mot pour parler d’elle. Elle s’est dissipée avec le temps.
Mais posséder des bêtes, fait parti de son identité culturelle. Cela il le sait. Alors il accepte de travailler son jardin, pour augmenter son cheptel, fierté de sa famille 

 La vie de la communauté se recrée et essaye de survivre dans ces relations complexes. 




Après une courte visite dans un clan voisin, distant du nôtre d’une dizaine de kilomètres où nous devons traverser.des gorges étroites aux parois abruptes, des vallées profondes aux pentes jonchées de blocs de pierre qui semblent en rupture d’équilibre, percent la montagne de nombreux passages………………       

L'animatrice me promet d’être de retour avant la nuit trop avancée. Elle choisit le meilleur passage pour les bêtes, là où les cailloux aiguisés ne les blesseront pas, là où les bagages ne seront pas déchirés en passant trop près d’une arête semblable à une lame de rasoir, là où la pente ne sera pas trop prononcée. La roche sombre s’appuie par endroits sur des petites dunes jaunes. Nous devons franchir des cols, descendre et remonter. Dévaler des pentes rocailleuses où les grandes enjambées font rouler les pierres.
Le parcours s’écoule sans monotonie. Entre deux massifs, un oued permet aux bêtes de brouter une maigre végétation, des fruits d’acacias trouvés sur le sable. Nous en profitons pour faire une petite halte. Nous décrochons avec hâte les écuelles, et écrasons la boule: pâte faite de mil, de dattes, de fromage de chèvre et de feuilles aromatiques. Le tout pilé, mélangé à de l’eau, un vrai régal qui nous redonne force et courage pour poursuivre le chemin. Chacun se délecte de ce breuvage. De manière sommaire l’écuelle est rincée puis, chacun raccroche son écuelle à l’encolure de sa monture. Le chemin est notre ligne de parcours. Il est balisé de petites pyramides de cailloux. Chacun rajoute sa pierre au passage prenant soin de ne pas détruire l’équilibre du monticule                                            

Le jour s’étire et le paysage devient de plus en plus pale. 

Le silence pèse de tout son poids, quiétude troublée par le grognement de mon chameau. Mon regard balaie cette immensité rocailleuse, désolée, parsemée de roches noires aux arêtes vives.  La nuit avance, elle va nous surprendre sans que nous prenions garde, il faut continuer à avancer. Mon inquiétude va en grandissant car je ne peux plus m’orienter. Mes pieds fatigués, sont ralentis par le terrain caillouteux et je demande à l'animatrice de ralentir, je sais qu’une chute est catastrophique. Personne ne circule la nuit, nuit habitée par les bons et mauvais génies. A présent qui va prendre cette piste peu fréquentée depuis que les hommes se déplacent en moto par d’autres chemins. Dans une semaine, dans un mois un voyageur ou une bergère empruntera ce chemin. Voilà que je ressens de l’inquiétude. Je me suis toujours demandée comment cette femme arrivait à trouver le chemin dans la nuit noire, sans aucune hésitation mais tout lui sert de repères, les étoiles, le soleil, la couleur du sable, la forme des pierres. Dans cette obscurité elle marche d’un pas léger et moi derrière je suis en maudissant mon étourderie. Ne pas avoir une lampe de poche, car je redoute hormis les pierres, de mettre le pied sur un scorpion ou un serpent. Le froid pénétrant me redonne un peu d’énergie.
Toujours en tête elle nous conduit, observant les cimes des massifs qui nous entourent, à l’affût du moindre bruit. Elle parle très peu durant le voyage, mais fredonne souvent avec cette voix fluette reconnaissable par-dessus tout. Nous franchissons des couloirs rocheux qui aiguisent toutes les imaginations et propices aux attaques de bandits comme ce fut le cas dans une époque lointaine.
Nous atteignons la dernière crête. La lune fait son apparition. Sa clarté me permet enfin d’apercevoir ce paysage si familier. J’avais l’impression d’être au sommet d'un autre monde. Une plaine immense; étendue à perte de vue et où mon regard se perd. Tout s’enchevêtre et abuse mes sens. Mais il y règne une impression de puissance et de paix. 

Le décor est fabuleux. Un spectacle à couper le souffle. La femme est contente d’avoir honorée sa promesse.

                                                      
Aujourd’hui, je vis avec ce peuple riche d’une civilisation ancestrale, où la parole a un sens dans l’honneur. Malheur à celui qui faillit à sa parole !
La parole c’est la mémoire de tout un peuple, qui se perpétue de génération en génération.
Là où je vis, la parole c’est celles des femmes, celle de la matriarche. C’est le chef traditionnel  du clan. Elle est la mémoire….
Chaque soir autour du feu elle raconte anecdotes, faits du temps passés, faits historiques, faits divers, histoires de tous les jours, histoires glanées lors des passages des étrangers, qui se souvient de la jeunesse des anciens, de sa jeunesse, les enfants, les femmes l’entourent, Les anecdotes, les histoires modifiées par la vie, ressemblent à un cauchemar, à un rêve, à un désir, un plaisir. Tout reprend vie, la joie, l’angoisse, la peur et les pleurs

 


Difficile de savoir le vrai du faux, à la longue les souvenirs se confondent avec d’autres histoires. Ils en font leur histoire, la modèle en fonction du jour, de leur état d’esprit. Je ne distingue plus l’objectivité des récits de chacune, elles empruntent et je finis par y croire. A la longue dans les recoupements je perçois le doute. On se remet en mémoire, on interroge telle femme qui était présente. Tout le monde a le droit de rêver c’est ce qui permet d’espérer.

Les hommes se tiennent à l’écart, ils font mine de ne pas écouter, Les événements, les peurs, les angoisses, ravivent les mémoires.
Je partage ces moments fabuleux où les corps se touchent pour se tenir chaud, où des chuchotements viennent chatouiller les oreilles, où les rires de femmes perturbent les mots. Quand l’angoisse d’un récit impressionne les femmes, les mains cherchent un bras pour trouver une sécurité, une touche suffit à les rassurer.
Nous sommes les unes contre les autres à écouter les récits de cette vieille femme. La chaleur des corps nous amène à cet état sublime de la somnolence. Quel délice cette chaleur qui nous entraîne dans les profondeurs du sommeil. Tous les corps se soutiennent dans une sorte de laisser-aller de confiance, de balancement. Ceux-ci vont être mis à rude épreuve au petit matin, engourdis, articulations refroidies par la fraîcheur de la nuit, ces corps vont se déployer avec peine et douleur.  
 Certaines femmes poussent des cris, des gémissements. Il faut exprimer sa douleur par un cri. Très étonnant quand on n’est pas habitué à cette forme de manifestation. 
« Mais pourquoi tu fais ça, as-tu besoin de crier pour montrer que la douleur s’est installée dans ton corps ? » «Non ! C’est comme cela. Je n’en sais rien. » Les femmes ont pris cette habitude, elles pensent, je crois,  que cela traduit leur état de vie 
Comme toutes femmes européennes  bien éduquées, au réveil je salue tout le monde. Pas de réponse ; chacun s’occupe de son travail, de sa mise en route. Même les hommes passent, gesticulent, s’activent. Pour quoi faire, ils ont tout le temps ? Longtemps je me suis posée la question sans comprendre. Mais tout simplement pour éviter d’être happés par la matriarche pour une quelconque tâche, il en est de même pour les femmes. c’est ainsi, il faut s’habituer. En secouant la tête la matriarche observe le manège, elle n’est pas dupe et de temps en temps en s’adressant à celle ou celui qui veut l’écouter, elle lance ces quelques mots « As-tu besoin de courir, tu as toute la journée ? Qu’as-tu, tu t’agites comme une chèvre prête à partir au pâturage ? Tout le monde rit. Voilà une note de bonne humeur pour toute la journée.

C’est vrai que je vis sous d’autres cieux, au commencement du monde. Ce fut l’impression qu’une de mes amies avait découvert en venant un jour me retrouver. Elle arrivait de Paris pour faire un reportage sur nos actions entreprises au Niger. Quel choc pour elle. Basculer en quelques heures dans une autre civilisation…..mais oh combien épanouissante.

 

 

Kriss Crumble de France Inter avait voyagé au Nord-Niger, et avait crée l'association Ousmane Dodo elle nous soutenait également.  
Elle avait réalisé une magnifique émission en l'honneur des femmes de brousse.










                 


1 commentaire:

  1. Merci Chantal pour cette émotion transmise à travers tes écrits.
    Fatima

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