Article consacré au Niger, Laurent
Touchard revient sur l'Histoire mouvementée du pays, depuis son indépendance en
1960.
Sans entrer dans le détail de
l'Histoire mouvementée du Niger depuis son indépendance le 3 août 1960, il est
impossible de passer sous silence la longue gestation de la démocratie dans le
pays car les militaires y sont étroitement liés. Un interminable accouchement
tout au long duquel se succèdent les coups d'État et les règnes irresponsables
de despotes peu éclairés. Ces putschs et "révolutions de palais" ne
doivent pas uniquement au sens du devoir des uns et des autres, mais d'abord
aux rivalités et à la soif du pouvoir. Aussi bien de militaires que de civils.
Lire aussi : Les défis de la politique de défense
du Niger
Durant des décennies, au fil de ces
atteintes à la démocratie, les libertés sont souvent bafouées, les arrestations
arbitraires sont monnaie courante... Pour ne rien arranger, le pays connaît
deux insurrections nomades (pas uniquement touarègues) : en 1990 et en 2007.
Celle de 1990 est latente depuis environ cinq ans quand elle explose
finalement, en mai 1990, avec l'attaque du poste des Forces de Défense et de
Sécurité (FDS) de Tchin Tabaradene. Les représailles sont meurtrières :
plusieurs centaines de nomades sont victimes d'exactions. Les hostilités prennent
fin entre 1995 et 1998, mais elles ont laissé des blessures profondes dans les
sociétés du Nord.
Durant les années qui suivent, les ex-rebelles estiment que les engagements pris par les autorités ne sont pas respectés. Ils se considèrent lésés : selon eux, ils ne reçoivent pas les bénéfices promis de l'extraction de l'uranium, ressource naturelle principale du Niger. L'insurrection se réveille alors entre le printemps et l'été 2007. Une fois encore, les violences s'accompagnent de leur cortège de crimes commis par tous les protagonistes. Les FDS mènent une guerre impitoyable aux nomades. Les civils doivent fuir dans le désert, en proie à la soif et à la faim. Les chameaux sont abattus, les troupeaux massacrés. Militaires et paramilitaires paient aussi un lourd tribut : en 2008, officieusement, plus de 160 d'entre eux ont été tués. Les nomades posent des mines qui tuent aveuglément.
Durant les années qui suivent, les ex-rebelles estiment que les engagements pris par les autorités ne sont pas respectés. Ils se considèrent lésés : selon eux, ils ne reçoivent pas les bénéfices promis de l'extraction de l'uranium, ressource naturelle principale du Niger. L'insurrection se réveille alors entre le printemps et l'été 2007. Une fois encore, les violences s'accompagnent de leur cortège de crimes commis par tous les protagonistes. Les FDS mènent une guerre impitoyable aux nomades. Les civils doivent fuir dans le désert, en proie à la soif et à la faim. Les chameaux sont abattus, les troupeaux massacrés. Militaires et paramilitaires paient aussi un lourd tribut : en 2008, officieusement, plus de 160 d'entre eux ont été tués. Les nomades posent des mines qui tuent aveuglément.
La révolte touarègue au Nord-Mali
n'a pas d'effet direct sur les communautés nomades du Niger qui sont lasses de
la guerre.
Finalement, grâce à la médiation de
la Libye, la rébellion s'assoupit en 2009. Les populations, qui ont beaucoup
souffert, sont désormais lasses de la guerre. C'est une des raisons qui
explique qu'en 2012, la révolte touarègue au Nord-Mali n'a pas d'effet direct
sur les communautés nomades du Niger. La plupart des membres de celles-ci
estiment que le recours aux armes est seulement synonyme de mort, de
destructions et de misère. Sentiment que renforce la peur des FDS, héritage des
exactions du passé.
Nouvelle Constitution
Le 25 novembre 2010, une énième
Constitution est promulguée. C'est l'avènement de la VIIe République (sept en
cinquante ans !). République qui doit, paradoxalement, son existence à un coup
d'État militaire. Le 18 février 2010, Salou Djibo, à la tête de la compagnie de
commandement d'appui et de soutien de Niamey, renverse le Président Mamadou
Tandja. Élu en 1999, reconduit dans ses fonctions en 2004, Tandja manœuvre
politiquement afin de prolonger de trois ans son mandat et d'être autorisé à en
briguer un nouveau. Ce, alors que la Constitution en vigueur ne le lui permet
pas.
Le putsch qui survient – le
quatrième de l'Histoire du Niger - sauve la démocratie. Ses auteurs donnent
rapidement des gages de bonne volonté, plébiscités par un grand nombre de
citoyens. Un Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) est
mis en place afin d'assurer la transition. Des élections sont organisées. Le 12
mars 2011, au second tour du scrutin, Mahamadou Issoufou est élu chef de
l'État. Son investiture se déroule un peu moins d'un mois plus tard, le 07
avril 2011. L'action des militaires est contestable ; néanmoins, elle survient
dans un contexte où celui censé être l'expression de la démocratie – en
l'occurrence, le chef d'État élu - ne respecte pas la règle du jeu ; à
savoir, la Constitution. Toute proportion gardée, le parallèle peut être établi
avec l'attitude de l'armée lors de la Révolution des jasmins en Tunisie.
L'armée refuse de tirer sur les manifestants permettant ainsi au changement
politique de s'opérer.
Un présent apaisé ?
Il n'en reste pas moins qu'en
Tunisie, le changement n'a pas été amené par l'armée. La nuance est
importante... Cet atavisme du putsch, il faudra des décennies avant d'avoir
l'assurance que les FDS de la VIIe République n'en sont plus malades. Or, rien
n'est définitivement gagné : ainsi, une tentative de coup d'État échoue dans la
nuit du 12 au 13 juillet 2011. Si elle est à l'évidence mal préparée,
l'intention est là. Mahamadou Issoufou n'occupe alors ses fonctions que depuis
quelques semaines !
Les FDS de la VIIe République
paraissent enfin apaisées.
Actuellement, les FDS de la VIIe
République paraissent enfin apaisées. La Constitution de 2010 semble bien
bâtie, susceptible d'être auto-protégée contre toute crise institutionnelle. À
condition toutefois que ceux qui en jouent la partition sachent en lire les
notes... Par ailleurs, le Président Issoufou, malgré des erreurs, s'impose
comme digne de la fonction qu'il occupe, incontestable chef des armées.
Ces dernières bénéficient de la
professionnalisation croissante des effectifs qui favorise cet état d'esprit.
Les programmes de coopération militaire et de formation initiés par les
États-Unis et la France n'y sont pas pour rien. Dans le même temps, se réduit
le fossé qui s'était créé durant cinquante ans entre les FDS et les citoyens.
Pour cela, tout un travail de "réconciliation" est mené. L'accent est
mis sur les relations publiques (un musée des armées est créé en juin 2013), la
promotion des militaires est faite au travers leur rôle social... Les forces de
sécurité apprennent a priori à être une institution au service de l'État et de
tous les Nigériens.
Ou... un avenir asthmatique ?
Néanmoins, tout n'est pas parfait,
en particulier entre l'institution militaire et les communautés nomades.
Certes, les membres de ces communautés peuvent exercer des responsabilités
politiques. Les initiatives se multiplient pour encourager les études et la
perspective de carrière administratives civiles intéressantes grâce à l'école et
à l'université (plutôt que grâce au fusil d'assaut et à la rébellion). Mais, au
sein des Forces armées nigériennes (FAN), les choses évoluent difficilement.
L'avancement des cadres nomades est plus lent. De plus, les désertions de
nomades survenues au sein de l'armée malienne début 2012 incitent les FAN à se
méfier de ceux qui servent dans ses rangs. Ce désenchantement des soldats
nomades fait écho à celui de leurs communautés d'appartenance qui se
désespèrent de ne pas beaucoup profiter d'un développement économique pourtant
promis.
En outre, la présence de plus en
plus importante de troupes étrangères n'est pas vécue de manière égale par tous
les personnels des FDS. Il est vrai qu'une majorité d'entre eux apprécient les
équipements obtenus grâce à Paris et à Washington. Ils apprécient l'appui
considérable que représentent les vecteurs ISR basés à Niamey, permettant de
déjouer les infiltrations des terroristes-bandits. Les services de
renseignement ont une bonne coopération inter-étatique, tandis que les rapports
sont cordiaux entre les conseillers militaires (Américains ou Français) et
leurs "élèves" des FDS. Enfin, ils apprécient ce qu'ils gagnent en
professionnalisme. De plus la plupart des cadres n'ignorent pas la
responsabilité qui pèse sur eux : défendre la paix dans le pays face à une
multitude de dangers. Ils savent que l'idée d'engranger suffisamment de succès
dans la durée contre les terroristes-bandits, pour parvenir à long terme à les
éradiquer, est illusoire sans les États-Unis et sans la France.
Pourtant, en dépit des dénégations
du ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique, Massoudou Hassoumi,
certains officiers, sous-officiers et soldats se montrent critiques à
l'encontre de la politique de défense du Président Issoufou. Ils estiment que
celui-ci ne fait pas assez confiance aux FDS. Selon eux, le dirigeant
sous-traite la protection du pays aux étrangers, toujours plus nombreux. Ils
arguent qu'avec ce choix, le chef d'État bafoue la souveraineté du pays. À
cette réprobation de la politique de sécurité s'ajoutent une crispation de la
vie politico-sociale : accusations d'incitation à la haine ethnique portée
contre Massoudou, interpellations de journalistes et d'opposants en janvier
2014 (libérés depuis), tirs contre la résidence du Président
de l'Assemblée nationale (qui lui-même dénonce la politique de
sécurité et de coopération du Président de la République).
La sédition, cette maladie chronique
des FDS.
Si ce murmure n'est que le fait
d'une minorité des FDS, c'est une erreur de nier ou d'ignorer son existence.
Cela ne peut que renforcer les arguments de ceux qui en sont la cause. Surtout
que leur murmure est entendu par beaucoup de citoyens. Nous l'avons évoqué :
dans un pays où règne la misère, l'augmentation sensible des dépenses de
défense aux dépends de l'éducation tandis que le développement économique tarde
à se matérialiser, n'est pas nécessairement bien perçue. De murmure, il devient
bruit. Bruit susceptible d'encourager quelques esprits aventureux à la
sédition, cette maladie chronique des FDS. Rappelons qu'entre 1992 et 2002, pas
moins de huit mutineries militaires ont eu lieu. Celle de 2002 se termine au
prix de 8 morts et 253 arrestations... Rappelons également le coup d'état
avorté de juillet 2011...
Un peu d'asthme mal traité peut
avoir des conséquences catastrophiques. Aujourd'hui, le Niger toussote. À
chaque fois que cela se produit, les FDS sont contaminées. Dès lors, les deux
années qui conduisent à l'élection présidentielle de 2016 feront office de test
quant à l'attitude de l'armée et des forces de sécurité...
© AFP
Dans un contexte régional miné par
le terrorisme et confronté aux conséquences sociales de la quasi absence de
développement économique, le Niger est aujourd'hui confronté à d'immenses défis
dont la réussite à pour enjeu le maintien de la paix sur le territoire.
* Laurent Touchard travaille depuis
de nombreuses années sur le terrorisme et l'histoire militaire. Il a collaboré
à plusieurs ouvrages et certains de ses travaux sont utilisés par l'université
Johns-Hopkins, aux États-Unis.
Au cours de l'opération Serval, les
troupes françaises et africaines anéantissent l'essentiel du potentiel
militaire des islamistes et des djihadistes qui tenaient le Nord-Mali depuis la
mi-mai. Pour autant, cette victoire ne signifie pas la fin de l'insécurité au
Sahel. En effet, la capacité de nuisance des groupes armés divers est
résiliente. Elle se nourrit des moindres problèmes des pays dans lesquels elle
survit. Défaut de structures administratives, déshérence(s) de la jeunesse sans
avenir, méfiance vis-à-vis d'autorités peu ou pas (ou plus) reconnues,
sentiment de rejet de certaines communautés, lenteurs ou inexistence du
développement économique, peur des forces de sécurité locales en raison
d'exactions commises par le passé, jalousies inter communautaires et, bien sûr,
insécurité...
Lire aussi : Défense africaine : dernières nouvelles du front
Autant de vulnérabilités qui
existent au Niger. Certes, leur réalité est parfois sans fondement. Ou du
moins, à des degrés divers. Cependant, ce qui importe au final, c'est la
perception qu'ont les populations locales : ce qu'elles considèrent comme leur
réalité de vie. Quels que soient lesdits efforts, si cette perception est
mauvaise, alors les failles deviennent des gouffres. De fait, l'État nigérien
livre un difficile combat contre les fragilités du pays. Conscient que
l'approche globale est indispensable, en dépit de ressources limitées, le Niger
s'applique à promouvoir le développement économique et social sur un territoire
en paix. Contexte dont la pérennité tient à la qualité des Forces de défense et
de sécurité (FDS) et à la politique qui préside à leur mis en œuvre.
Cette brève étude se propose de
présenter cette politique et les défis auxquels elle est confrontée.
Tumultes et remous
Le Niger se tient aujourd'hui sur
des terres sahéliennes où fourmillent les dangers.
Le Niger se tient aujourd'hui sur
des terres sahéliennes où fourmillent les dangers. Ainsi, au Nord, le
sud-libyen représente-il une zone dont le gris s'assombrit de plus en plus. De
là, les terroristes-bandits rayonnent sur toute la région sahélienne. À
l'ouest, au Mali, les ombres d'Aqmi et du Mudjao tardent à
s'estomper. Au Sud, Boko Haram met à feu et à sang toute une partie du Nigéria.
Des périls multiples pour une stabilité péniblement acquise pendant
cinquante-quatre ans. Pour ne rien arranger, malgré quelques avancées, les
conditions de vie des Nigériens sont mauvaises. Selon la Banque mondiale, le
salaire brut moyen est de 31 dollars par mois... Plus de 80 % de la population
vit avec moins de deux dollars par jour.
La recrudescence du terrorisme entre
2003 et 2011, le conflit malien en 2012, tarissent l'argent qu'amenaient les
activités touristiques. Ces crises accentuent la pauvreté des communautés
nomades qui bénéficiaient auparavant de cette ressource. L'arrivée d'environ
200 000 Nigériens qui travaillaient en Libye et contraints à "l'exil chez
eux", après la chute de Kaddafi, déséquilibre un peu plus l'économie
nationale. Ces civils ne sont pas les seuls à avoir regagné le Niger. Quelques
centaines d'hommes qui combattaient au profit du "guide" libyen ont
fait de même. Si les plus lourdement équipés ont été désarmés, quelques-uns
sont nécessairement passés à travers les mailles du filet. Ils ont rejoint les
ex-combattants des rébellions de 1990 et 2007 (jusqu'à 4 000 hommes selon les
sources) toujours armés. S'ajoutent des jeunes désabusés. Ceux-ci rêvent de
retrouver une fierté qu'ils croient volée par un État qui les mépriserait. Une
fierté qu'ils croient volée par des représentants communautaires qui seraient
tous plus intéressés par leurs intérêts personnels, achetés à coups de billets
et de postes à responsabilités, par l'État qu'ils affrontaient autrefois.
L'approche globale de l'État malien
Malgré tout, le risque d'une
insurrection nomade est moins prégnant qu'au Mali. Si, au sein des Forces
armées nigériennes (FAN) l'intégration de ces nomades est complexe, dans les
autres institutions, aussi bien nationales que locales, elle est globalement
réussie. Cette philosophie, le Président Mahamadou la met en œuvre avec
détermination. Il s'y est attaché aux premiers jours de son mandat, en nommant
Brigit Rafini, un Touareg, au poste de Premier ministre. Il est vrai que
la répartition des nomades sur le territoire, bien plus prononcée qu'au Mali,
facilite les choses. Les tentations indépendantistes en sont d'autant plus
affaiblies que les deux insurrections ont profondément meurtri les populations
du Nord, désormais peu enclines à soutenir une éventuelle aventure armée.
L'enjeu consiste notamment à
restaurer une sécurité totale dans le Nord afin d'y permettre à très long terme
le retour des touristes
Cela n'est pas un hasard si l'un des
grands programmes dans la logique de l'approche globale est justement mené par
la Primature. Il s'agit d'en confier la responsabilité à celui qui représente
les populations nomades, à savoir Brigit Rafini. Ce programme, la Stratégie de
développement et de sécurité (SDS), est lancé le 1er octobre 2012. Axé, comme
son nom l'indique, sur le développement et la sécurité, il bénéficie d'un
budget non négligeable de 2,6 milliards de dollars sur cinq ans. Grâce à lui, 3
810 agents de police ont été recrutés et six nouvelles unités mobiles de
surveillance des frontières (garde nationale) ont été organisées. L'enjeu consiste
notamment à restaurer une sécurité totale dans le Nord afin d'y permettre à
très long terme le retour des touristes et de la manne financière qu'ils
représentent. Un travail de longue haleine, oui. Mais l'avoir entamé, c'est lui
donner une chance d'aboutir un jour.
Fort de cet état d'esprit
volontaire, le Niger se dote également d'une loi anti-terroriste le 27 janvier
2011. Mais avant cela, après quelques atermoiements au cours de l'année 2010,
les autorités acceptent finalement l'implantation de militaires étrangers (nous
reviendrons sur la coopération en matière de défense dans un futur billet) dans
le pays. Sur ce point plus que sur n'importe quel autre, le Président Mahamadou
Issoufou se montre courageux. En autorisant l'installation durable d'Américains
et de Français, il prête le flanc à ses détracteurs les plus virulents. Ceux-ci
comptent d'une part des représentants politiques qui lui reprochent d'agir de
manière non-constitutionnelle. D'autre part, certains militaires considèrent
que la souveraineté nationale est bafouée. À leurs critiques se greffe le
discours – non sans fondement – de ceux qui redoutent que le Niger paie au prix
du sang son engagement contre le terrorisme, devenant une cible toute désignée.
Les attentats du 23 mai 2013, à Agadez et à Arlit, confirment leurs craintes.
Face à ces préoccupations, Issoufou
se veut pragmatique : sans aide extérieure importante, la souveraineté du Niger
n'est qu'un mot. L'exemple du Mali lui donne raison. Par ailleurs,
contrairement aux allégations des Zoïles, il ne brade pas non plus la sécurité
de son pays, en augmentant les crédits alloués aux FDS. Le poids des dépenses
de défense
En 2010, le budget de la défense est d'environ 46 millions de dollars. Un an plus tard, il passe timidement à 50 millions de dollars. Mais, tout change en 2012 ; il bondit à 72 millions de dollars pour 2012-2013. Le 06 mai 2013, une loi rectificative l'augmente encore d'au moins 37 millions de dollars. Il grimpe alors à plus de 100 millions de dollars. Cette somme s'explique par la nécessité de couvrir les frais du déploiement au Mali. Pour 2014, le budget est estimé à... 200 millions de dollars. C'est-à-dire qu'il a quadruplé en l'espace de quatre ans. Ce bond des dépenses s'explique aussi : il permet l'achat et l'entretien des deux avions d'attaque Su-25, la modernisation et le maintien en bonne condition opérationnelle des forces (acquisition de pièces de rechange, d'équipements divers, de munitions, de carburant). Il permet également la revalorisation des salaires des personnels des FDS...
Même si elle se justifie, il s'agit d'une somme énorme par rapport au budget global d'environ 3,8 milliards de dollars. Pour mémoire, le chiffre d'affaire d'Areva en 2012 est de 9,7 milliards de dollars ; en dollar constant 2014 – avec, toutefois, une dette de 4,5 milliards de dollars à l'été 2013. Mentionner ces chiffres n'est pas anodin : nous le constaterons plus loin. Dans l'immédiat, revenons à ces crédits de défense. Ils représentent autant d'argent que ne reçoivent pas les autres ministères. D'où un déséquilibre qui s'accentue depuis 2012. Cette année-là, il était prévu de consacrer 25 % du budget à l'Éducation, 10 % à la Santé. Évidemment, l'accroissement des crédits de défense l'empêchera.
En 2010, le budget de la défense est d'environ 46 millions de dollars. Un an plus tard, il passe timidement à 50 millions de dollars. Mais, tout change en 2012 ; il bondit à 72 millions de dollars pour 2012-2013. Le 06 mai 2013, une loi rectificative l'augmente encore d'au moins 37 millions de dollars. Il grimpe alors à plus de 100 millions de dollars. Cette somme s'explique par la nécessité de couvrir les frais du déploiement au Mali. Pour 2014, le budget est estimé à... 200 millions de dollars. C'est-à-dire qu'il a quadruplé en l'espace de quatre ans. Ce bond des dépenses s'explique aussi : il permet l'achat et l'entretien des deux avions d'attaque Su-25, la modernisation et le maintien en bonne condition opérationnelle des forces (acquisition de pièces de rechange, d'équipements divers, de munitions, de carburant). Il permet également la revalorisation des salaires des personnels des FDS...
Même si elle se justifie, il s'agit d'une somme énorme par rapport au budget global d'environ 3,8 milliards de dollars. Pour mémoire, le chiffre d'affaire d'Areva en 2012 est de 9,7 milliards de dollars ; en dollar constant 2014 – avec, toutefois, une dette de 4,5 milliards de dollars à l'été 2013. Mentionner ces chiffres n'est pas anodin : nous le constaterons plus loin. Dans l'immédiat, revenons à ces crédits de défense. Ils représentent autant d'argent que ne reçoivent pas les autres ministères. D'où un déséquilibre qui s'accentue depuis 2012. Cette année-là, il était prévu de consacrer 25 % du budget à l'Éducation, 10 % à la Santé. Évidemment, l'accroissement des crédits de défense l'empêchera.
Lire aussi : Nucléaire : révélations sur les retombées radioactives de la
bombe A française en Afrique
Ces dépenses, elles sont
indispensables. Certes, elles grèvent le développement économique. Cependant,
sans la sécurité, point de développement économique non plus. Or, les menaces
pour la paix du Niger sont nombreuses. Nous l'avons évoqué plus haut : terroristes-bandits
au Mali et dans le sud de la Libye, Boko Haram au nord du Nigeria, bandits et
trafiquants à l'intérieur des frontières, nomades revenus de Libye après
la chute de Kadhafi, ex-rebelles ou héritiers de rebelles de 1990 et 2007...
C'est dans cette atmosphère pesante que se déroule la renégociation des accords
financiers quant à l'extraction de l'uranium national par la société française
Areva (via ses filiales locales).
Intérêts et responsabilité
géopolitique
Les discussions à propos de la
convention d'extraction du minerai commencent en 2013. Elles engageront les
partenaires pour dix nouvelles années. Prévue pour le 31 décembre 2013, la
signature n'est toujours pas apposée sur le papier un mois plus tard. Elle le
sera probablement fin février 2014, non sans mal. Pourquoi la machine des
négociations s'est-elle grippée à ce point ? Tout simplement parce qu'Areva
refuse de se plier à une loi nigérienne de 2006, selon laquelle les taxes sur
le minerai d'uranium augmentent de 5,5 % à 12 %. Omar Hamidou Tchiana, ministre
des Mines, explique à Reuters qu'en 2012, les bénéfices de l'uranium ne
constituent que 5 % du budget national. Or, le Niger souhaite que ceux-ci
augmentent à 20 %. Cet apport contribuerait évidemment beaucoup à financer les
dépenses de sécurité.
Areva rejette l'idée de cette taxe,
estimant que le coût d'extraction serait alors trop élevé. Elle argue, en
outre, qu'elle investit beaucoup dans des projets locaux : développement
économique, santé, éducation, à hauteur de 8 millions de dollars annuels. Il
n'en reste pas moins qu'à Arlit, en-dehors des installations ultra-sécurisées
du groupe, la misère règne. Cela, c'est une des réalités perçues par les
Nigériens... De plus, la société est accusée d'utiliser les infrastructures
routières sans contribuer à leur coûteux entretien...
La signature de la convention
d'extraction fin février 2014 devrait enfin remettre les choses en ordre.
Dès lors, ceux (dont les djihadistes)
qui désignent Areva – et par extension, la France - comme le mal absolu ont
beau jeu. Areva pollue le sol nigérien tout en exploitant sans vergogne des
ressources dont les bénéfices échappent au pays... Le poids financier de
l'exploitation repose sur le Niger qui n'en retire rien... La protection des
installations, où vivent des Français avec l'air conditionné, saigne l'économie
du pays... Le Niger doit payer la guerre qu'il mène à des Musulmans pour que
les Français pillent ses richesses... Autant de propos sans nuance, mais qui
reposent sur une réalité perçue, trouvant facilement écho auprès d'une
population écrasée par la pauvreté. Intérêts économiques privés et
responsabilité géopolitique ne feraient-ils pas toujours bon ménage ? Quoi
qu'il en soit, l'État français, actionnaire à plus de 80 % d'Areva a finalement
pris position sur ce dossier. Par la voix de Pascal Canfin, ministre délégué au
Développement, a été déclaré devant l'Assemblée nationale française que les
attentes de Niamey sont "(…) considérées par ce gouvernement (…) comme
légitimes." Il était temps.
La signature de la convention
d'extraction fin février 2014 devrait enfin remettre les choses en ordre. Cet
accord sera d'une importance considérable. Contrairement à ce qu'affirment de
nombreux observateurs, l'enjeu n'est pas uniquement la réélection du Président
Issoufou en 2016. Le problème est beaucoup plus vaste. Dans tous les cas, il ne
s'agit pas de soutenir un Président devant ses électeurs, mais de soutenir le
Niger face aux dangers actuels et futurs. De soutenir sa politique de sécurité
responsable, dans laquelle s'inscrit la coopération avec la France et les
États-Unis. Démarche qui ne se résume pas à l'implantation de bases, à la
traque de terroristes-bandits avec la technologie "à distance", ou à
la fourniture de 4x4, de GPS et de gilets pare-balles, mais qui passe aussi par
le respect de la dignité de cet État, de ses citoyens. D'autant que cette
politique de sécurité intelligente peut, de bien des manières, servir d'exemple
à suivre pour le Sahel.
NB : Une fois n'est pas coutume, j'attire l'attention des
lecteurs sur le numéro 5 du magazine Air Combat, à paraître.
Vincent Bernard y
aborde la question des différents incidents aériens survenus tout au long des
années 1970 et 1980 dans le Golfe de Syrte entre d'une part, les États-Unis et
la France, d'autre part, la Libye. Cette page de l'histoire militaire africaine
est relativement oubliée et l'article de notre confrère apporte un éclairage
intéressant (et fort compréhensible pour le profane).
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J.A.
Pour en savoir plus : consulter le blog "CONOPS"
de Laurent Touchard
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